Un jour, en feuilletant les livres de son père disparu, Pascal Obispo est tombé sur des poèmes, ceux d’une femme, avec ses mots, ses émotions, ses souffrances. Le chanteur n’est pas sorti indemne des textes de Marceline Desbordes- Valmore, plus connue du grand public sous le nom de Notre-Dame-des-Pleurs, qui allient douceur et douleur intense. Résultat : 12 chansons, 12 poèmes d’elle, comme 12 déclarations d’amour, le tout arrangé par Jean-Claude Petit. Un album très lyrique, symphonique et discrètement pop.
Vous avez “rencontré” Marceline Desbordes-Valmore en rangeant les cartons de votre père...
Pascal Obispo : J’ai ouvert des livres qu’avait laissés mon père. Sur certains livres de poésie, il y avait des feuilles qui étaient annotées. J’ai ouvert à ces endroits-là et j’ai découvert des poèmes qui m’ont profondément inspiré. Il se trouve que dans leur majorité ils étaient d’une seule personne : Marceline Desbordes-Valmore. Je suis donc allé explorer le reste de son oeuvre pour confirmer mon coup de foudre pour elle.
Ce qui est troublant, c’est que ses textes vous correspondent parfaitement.
Ce sont des textes écrits au XIXe siècle qui m’ont touché immédiatement. Ils disent des choses qui nous touchent tous encore aujourd’hui. C’est intéressant de voir que malgré les époques, quand il s’agit de sentiments, d’amour et de désamour, les choses n’ont pas beaucoup bougé. Pour moi, ce disque romantique et émotionnel fait ressurgir le passé en lui donnant une touche de modernité. Je le trouve intemporel finalement.
Quand vous avez découvert ces textes, vous avez ressenti quoi ? Une joie immense ?
C’est mon piano qui a ressenti une joie immense. Il a reçu grave (rires). Du coup, j’ai composé en trois jours. Entre ses textes et ma musique il y a eu comme un rapport de fulgurance. Ma manière de composer est très spontanée. Devant des textes comme ça, je travaille dans l’immédiateté, ça va vite. Je ne suis plus acteur, je suis happé dans un trou noir, sans aucun contrôle. Les notes viennent naturellement parce que ce sont les mots qui les appellent. Pour cet album, j’ai fait une trentaine de chansons et je n’ai retenu que les meilleures.
Quand on met en musique des textes aussi beaux, on travaille de la même façon qu’habituellement ?
Il y a quand même eu une petite pression parce que je m’attaquais à une poétesse disparue, talentueuse et publiée. On n’envisage pas les choses comme si on travaillait avec un auteur contemporain vivant. C’est idiot parce que le talent est partout. Comme je trouvais ces textes élégants et gracieux, j’ai demandé à Jean-Claude Petit d’arranger les chansons. Je savais qu’il allait pouvoir sublimer ces mots-là et qu’il allait être à la hauteur de Marceline Desbordes-Valmore.
Pourquoi a-t-il accepté de travailler avec vous ?
Quand un musicien, pianiste, arrangeur accepte de travailler avec un chanteur-compositeur, c’est qu’il y a du respect, une correspondance musicale, de la curiosité. Même si la curiosité génère parfois la pudeur. On était tous les deux un peu pudiques dans nos réactions, mais nous avons apprécié notre collaboration. En tout cas, travailler avec lui m’a permis de progresser. On apprend beaucoup à collaborer avec des géants.
Vous chantez des chansons écrites par une femme... Et pourtant, elles vous vont parfaitement !
Mes chansons ont toujours été très féminines (rires). Lionel Florence est quand même l’auteur le plus féminin de la chanson française. Les auteurs que je chante ont toujours eu une grosse sensibilité féminine. Ma musique s’y prête. Quand je me mets au piano, ce que je joue est romantique.
D’un album à l’autre, vous aimez surprendre votre public.
Je ne me dis pas ça comme ça. Tout est naturel. Je fais juste des disques en fonction des cycles que je traverse. Quand vous avez le sentiment d’avoir tout dit dans un certain “mood”, la fois suivante vous essayez de faire autre chose. Moi, je suis incapable de faire deux fois le même disque. On peut trouver à mes chansons des ressemblances ou un style particulier, mais je n’ai pas l’impression de faire la même chose. Pour cet album, le changement est un peu radical, je vous l’accorde. Le prochain sera encore différent.
Sans parler de disque thématique, il y a une suite logique dans ce “Billet de femme”...
Dans mes albums, il y a toujours une logique conceptuelle, une couleur, un esprit. Les chansons se fabriquent au même moment, alors elles sont toutes dans la même humeur.
Cela va-t-il permettre de réhabiliter Marceline Desbordes-Valmore ?
Ce serait bien que les gens puissent s’intéresser à cette formidable poétesse. J’espère ne pas l’avoir trahie.
Interview réalisée par François Alquier